Le Silence du Monde

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2017

« il y avait beaucoup de mûres sur le bord des chemins, elles étaient parvenues à maturité et pour tout dire, j’en ai modelé tout autant que j’en ai mangé. »

Dîplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy en 2011, Estelle Chrétien est née en 1988. Prenant appui sur un imaginaire rural traditionnel en désuétude pour venir le confronter au réel, mon travail plastique naît, lentement, en gauillant dans la matière. Il se construit selon le hasard des rencontres, au fil d’associations libres, ou d’évidences irrationnelles. Ses errances contemplatives sur papier, nourrissent un imaginaire organominéral. Dans le bavardage omniprésent, j’explore le silence à l’état brut, un silence plein, tente de le préserver, de le transmettre.
Elle participe à plusieurs expositions en France et à l’étranger notamment à « You I landscape » Triennale de la jeune création au CarréRotonde à Luxembourg en 2013, et à « Il faut imaginer Sisyphe heureux » biennale Vern Volume à Vern sur Seiche en 2015, et « Déformer, former » sa première exposition personnelle à la galerie Modulab à Metz en 2018.

Compte-rendu de résidence

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J’avais surtout prévu de ne pas trop prévoir et de laisser venir. Mais, ne pouvant tout de même pas venir complètement dénudée, j’avais amené un bloc de terre d’une tuilerie meusienne, de quoi mouler deux tuiles sur cuisses. Arrivée en Ardèche et notamment à St-Vincent-de-Durfort, j’y trouvais des tuiles canal sur tous les toits du village, cela m’est alors apparu d’autant plus approprié. Je n’arrive toujours pas à savoir si les tuiles moulées sur cuisse de femme est de l’ordre du mythe ou de l’histoire. Sur les cuisses des ouvriers c’est certain, sans doute y a-t-il eu des ouvrières? J’imagine chacun chacune recouvrant leur propre toit de leurs multiples cuisses. Une fois cette mission réalisée et en attendant que les tuiles sèchent, il fallut bien trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Et pour mon grand plaisir, il y avait beaucoup de mûres sur le bord des chemins, elles étaient parvenues à maturité et pour tout dire, j’en ai modelé tout autant que j’en ai mangé. Vingt-sept mûres entières plus une écrasée réalisées en grès noir. Associées aux cailloux en grès blanc que j’avais modelés quelques années avant, l’ensemble est devenu Mur. J’avais aussi amené un fond de gamelle de porcelaine et, après une ballade en forêt à lécher des yeux l’écorce des cèdres, j’ai commencé à couler de petites formes en porcelaine figées, couche après couche. Travail apaisant, demandant autant d’oisiveté que de concentration. Le principal est de prendre soin du temps. On a cuit le tout dans les four de l’ateliers, un joli four collectif bien rempli, trois Strates furent cuites une seconde fois au four à bois, par les soins des camarades pendant mon absence, les flammes y ont été très créatives. Les autres, je les ai émaillées partiellement après la résidence dans un four électrique. Il manque encore quelque chose, je cherche. Comme les tuiles, elles resteront encore un peu au placard et dans un coin de ma tête. Trouverai-je ou pas, peu importe, j’aurai réussi à emporter une fois de plus des miettes, fac-similés du paysage rural, ce qui pour un temps me contente.