« Cette résidence fût une expérience réellement enrichissante car ce temps m’a permis d’opérer un virage significatif dans mon travail plastique. »
Née en 1991, Hélène Bleys est diplômée de l’ENSAD de Nancy en 2014 et vit et travaille à Nancy. Elle est membre du collectif d’artistes Ergastule. D’abord en investissant les techniques traditionnelles de la gravure, son travail s’est ensuite dirigé vers un rapport plus immédiat à l’image grâce au dessin à l’encre de chine. Le dessin devient alors une pratique quotidienne maniée comme un langage. Celui-ci est le noyau autour duquel viennent graviter des pratiques corrélatives telle que récemment la céramique.
Hélène Bleys a été invitée à la réalisation d’une exposition personnelle au FRAC Lorraine dans le cadre des ateliers ouverts à Metz en 2017 et elle a bénéficié d’une résidence à la Kunsthalle de Mulhouse en 2018.
Compte-rendu de résidence
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Chanceuse et heureuse de revenir à nouveau au Silence du monde, ce séjour de trois mois m’a permis de me concentrer principalement sur la réalisation d’une dizaine de pièces en faïence. J’ai donc saisi cette résidence à Saint-Vincent comme le moment opportun pour approfondir mes recherches autour de la céramique, pratique à laquelle je m’étais ouverte un an auparavant et ce, avec moins d’intimidation qu’impliquait inévitablement une première fois. Ayant anticipé en amont quelques pistes de recherches, quelques envies spécifiques, afin de m’acclimater à ce qui serait mon lieu de travail durant l’été, je me suis surprise à ne m’en servir que comme tremplin pour entreprendre la production tout en me re-familiarisant avec le geste du modeleur.
Foncièrement liées au dessin, je discernais les affinités intrinsèques du travail de l’image au travail de la terre. Je décidais alors d’envisager la pratique de la céramique avec la méthode et les intérêts du dessinateur, poreuse à l’intuition, la liberté et l’immédiateté, l’instinct et l’action directe. Fascinée par l’image, mon souhait n’était pas de me détourner de la dynamique pulsionnelle de l’acte de figurer mais au contraire de prolonger le jeu des métamorphoses des formes naturelles par la terre. Le boudin de terre et la ligne du crayon, quand elle n’est pas incisive, pourraient avoir cette même caractéristique d’être pensés comme un tracé mou et libre par essence, et ces caractères mous et élastiques rendent le travail perméable aux dérives surréalistes, chères à mon travail. Ces dix pièces réalisées durant ce séjour ont éclos de ces délires mutants convoquant l’hybride et le monstrueux, et se jouant du lisse et du mou, la terre étant anticipée comme forme pénétrable. Je retrouvais toutefois l’autorité de la ligne claire par l’utilisation de plaques de linoléum gravées que je venais déposer sur l’argile. Par ce geste habituellement destiné à la surface plane, j’abordais le volume à travers une pensée graphique.
J’ai aujourd’hui à coeur de continuer à explorer les liens parentés du dessin et de la céramique en provoquant des allers-retours entre pièces bidimensionnelles et tridimensionnelles (association, ré-interprétation...). Cette résidence fût une expérience réellement enrichissante car ce temps m’a permis d’opérer un virage significatif dans mon travail plastique. Comme un retour au calme, l’isolement, tout relatif car riche en interaction sociale entre résidants et ponctués quotidiennement par les échanges complices et amicaux avec nos voisins de la vie rurale, a permis un moment fécond laissant place à l’expérimentation.
Certaines des pièces seront exposées à Séoul au Dorossy Salon en Juin prochain.