« Habitué du mouvement permanent, de la vitesse et de l’indifférence quotidienne, le citadin se retrouve ici plongé dans un espace sonore qui le surprend dans sa mouvance, qui le guette dans ses actions. »
Diplômé en conception multimédia en 2005, et diplômé de l’école nationale supérieure d’art de Nancy en 2011, Miguel Costa passe son temps à observer les dimensions culturelles de nos sociétés, à en comprendre des origines, des mécanismes, à en comparer les savoirs pour tisser des liens, faire des hypothèses. Cela le mène sur des questions d’identités, de corps ou d’espaces qu’il explore et déploie à travers diverses activités, tel quel le graphisme, les installations in-situ, le commissariat d’exposition, les écrits poétiques et critiques ou les discussions.
Compte-rendu de résidence
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Silences du monde ?
À lire les traces des passages précédents et à côtoyer les artistes présents cet été, il me semble que le silence devenait pour ces nouveaux occupants un synonyme de travail intensif et de production artistique permise par une abondance de moyens techniques mis à notre disposition. Une résidence d’exploitation en somme plus que de production. Exploiter cet environnement semble allez de soi presque pour tout le monde. Tout ou presque y peut faire art, ou y contribue, le moindre détail s’éclaire sous un autre jour, les étoiles, les salades ou les papillons. Un monde calme, hors du temps, sans contraintes en somme pourquoi ne pas en profiter pour se mettre au travail visant une productivité d’usine dans cette absence de « monde » ?
Habitué du mouvement permanent, de la vitesse et de l’indifférence quotidienne, le citadin se retrouve ici plongé dans un espace sonore qui le surprend dans sa mouvance, qui le guette dans ses actions. Je dis espace sonore car à y écouter de plus près ce lieu ne connait cependant pas de silence. Du son, il y en a tout le temps. Il y a le chant du vent, le frissonnement des arbres et de leurs feuilles qui s’agitent, il y a le langage des insectes et des rares animaux sauvages, il y a aussi, comme partout, le grésillement des ondes hertziennes, des lignes à hautes tensions et des antennes relais. Un bruit de fond inconnu que nous appelons silence, un silence sémantique, car tout ici, ou presque, nous parvient comme une langue étrangère, la nature, son mouvement, la culture et la durée.
En réalité ce silence dont on nous parle est celui d’une faible activité, l’absence de ville qui concentre aujourd’hui presque toute activité. Le monde n’y est (à la campagne) pas tout entier silencieux, il est silencieux du peu d’activités humaines qui s’y déroulent. Il est silencieux des autres qui y sont moins nombreux, le silence est ici de l’espace vacant, il est spatial et non sonore. Ce silence est un vide qui est apparu dans ce village. Dans cette maison inhabitée, je nous surprends par moment à nous accommoder de la poussière, des toiles d’araignées et des murs décrépis, comme s’ils allaient de soi, comme s’ils étaient des composantes pittoresques de la ruralité. Cette décrépitude n’est pas l’apparence « normale » du rural mais sa carcasse laissée pour compte. La perte, le manque, l’absence, une absence qui se retrouve comblée partiellement, par notre intermittence, occupants passagers. Dans ces montagnes, dans ces forêts, dans ces villages contrariés soufflent toujours, à qui sait les écouter, quelques inspirations vivantes de notre humanité, qui me semble elle aussi avoir été laissée dans le silence.